Voici d’autres échos de rencontres proposées lors de la 2ème Journée de la traduction littéraire à la Foire du Livre de Bruxelles 2017!
Bruxelles Babel : Mort d’un parfait bilingue… quand un auteur rencontre ses traducteurs !
Mort d’un parfait bilingue ! Y a-t-il jamais eu titre de roman plus approprié au moment de confronter l’auteur à ses traducteurs? La Foire du Livre avait organisé en collaboration avec l’asbl TraduQtiv, une prestigieuse table ronde animée par Anne Casterman et autour de laquelle se sont retrouvés Thomas Gunzig et trois de ses traducteurs : Martin Kucera (tchèque), Ina Kronenberger (allemand), et Michel Perquy (néerlandais). Et pour ces deux derniers c’était un premier contact avec leur auteur !
La rencontre a commencé par une lecture de quelques lignes empruntées au premier paragraphe du roman. Aux versions allemande et tchèque, se sont ajoutées la version espagnole (traduction d’Asunción Cuesta, retenue pour des raisons professionnelles, lue par le poète Javier Vicedo Alos) et la version néerlandaise alors que le roman n’est pas traduit dans cette langue. Mais, pour l’occasion, Michel Perquy avait eu l’élégance d’offrir une traduction au public.
Thomas Gunzig n’a pas caché sa surprise : ce texte, daté de 2001, et qu’il n’avait pas relu depuis des années, ne correspondait plus vraiment à son écriture actuelle et il se reconnaissait mal dans ce qu’il a qualifié d’écriture « encore adolescente ». Cette progression de l’écriture a été ressentie par les traducteurs qui ont, en effet, noté le changement mais ils signalent cependant qu’une chose reste bien présente dans l’écriture de Gunzig et lui donne sa continuité, c’est le rythme. Anne Casterman, qui a lu à haute voix une nouvelle de Gunzig intégrée dans le recueil Bruxelles, du noir dans la blanche (Autrement, 2001) pour la Ligue Braille, a été très frappée, elle aussi, par cette dynamique sonore du texte.
Si Ina Kronenberger a besoin de lire plusieurs fois les textes qu’on lui soumet avant d’accepter d’en faire la traduction, Martin Kucera dit avoir commencé la traduction de Mort d’un parfait bilingue dès la découverte des premières lignes. Mais lorsqu’il a abordé Kuru, il a senti assez vite que l’écriture avait changé et a dû modifier son approche. Michel Perquy a besoin, lui aussi de lire plusieurs fois le texte pour se l’approprier.
Pour tous les traducteurs présents, c’est une démarche de leur éditeur qui les a amenés à traduire du Thomas Gunzig. A la question de savoir s’il appréciait d’être toujours traduit par la même « voix » étrangère, Gunzig a indiqué que, en effet, c’était plus intéressant et cela permettait de tisser presque des liens amicaux. Et de faire allusion à sa traductrice du russe, Nina Khotinskaya. Martin Kucera a fait appel à lui de nombreuses fois pour résoudre des difficultés ou des incompréhensions (comme, par exemple, la traduction du verbe « couper » dans l’expression « couper la cocaïne » !), Ina Kronenberger a préféré s’entourer de personnes connaissant bien la langue et l’univers dans lequel Gunzig place ses intrigues. Michel Perquy a souligné un étonnant paradoxe : Mort d’un parfait bilingue n’est pas encore traduit en néerlandais alors que nous vivons dans une capitale… bilingue !
Texte Christine Defoin
Le chat qui voulait être roi, le Roi Babel
L’histoire, inspirée du Printemps arabe, est celle d’un chat qui trouve une cage, la prend pour une couronne et s’autoproclame roi en se la posant sur la tête. Ce qu’il ignore, c’est qu’elle contient un oiseau qui va peu à peu le précipiter vers sa chute.
Selon le concepteur Karim Maaloul, plus qu’une application, « Le Roi Babel » est un livre interactif : l’enfant peut agir sur les éléments de la page, il n’est pas passif. En fonction de l’âge, deux lectures sont possibles : les plus jeunes joueront simplement avec le contenu, tandis que les plus matures saisiront mieux l’aspect plus politique.
Pourquoi Karim Maaloul a-t-il décidé de faire traduire cette application ? Elle est d’abord sortie en français et en anglais mais, pour Maaloul, en tant que Belge, le néerlandais s’est imposé comme une évidence. Trouver des traducteurs littéraires n’a pas été chose aisée. En général, ce sont les maisons d’édition qui s’en occupent, or ici il s’agissait d’une sorte d’autoédition. Ce sont des amis qui lui ont finalement recommandé Cristina Lopez Devaux et Bart Vonck pour les traductions en espagnol et néerlandais.
L’avantage de cette forme de publication, c’est que sa présence en ligne permet, éventuellement, de modifier la traduction après sa publication. Toutefois, certains passages enregistrés vocalement par des acteurs ne pouvaient plus être modifiés par la suite.
Cristina Lopez Devaux et Bart Vonck nous ont parlé des spécificités de cette forme de texte. À la fois littérature de jeunesse et application, il fallait, en plus de l’histoire, traduire toute l’interface. Ce n’était néanmoins pas tout à fait comparable à de la localisation, puisque les traducteurs ont reçu le texte dans un fichier word et c’est Karim Maaloul qui s’est chargé de toute incruster dans l’application. Il fallait aussi respecter l’oralité du texte, destiné à être lu à haute voix par les parents et sans oublier les parties enregistrées. Il était également essentiel d’en garder le caractère ludique, le texte devant attirer l’attention de l’enfant pour le pousser à interagir avec l’image.
Maaloul n’envisage pas actuellement une traduction en arabe, car cela entrainerait des difficultés techniques: inversion des images en raison du lettrage de gauche à droite, etc.
Si l’application était payante à sa sortie en 2012, elle est désormais gratuite (sur iOS en tout cas, nous avons essayé de la télécharger sur un téléphone Android mais elle était affichée comme payante). N’hésitez donc pas à la tester !
Texte Marjorie Gouzée