Ma chère Françoise,
J’espère que ton voyage à la côte d’Opale se passe bien et que tu as repris tes longues promenades dans les dunes, ébouriffée par le vent qui secoue les particules de sable et te pousse vers le rivage de cette mer que tu adores, surtout quand elle s’agite en vagues mousseuses, déferlantes et grises.
Je sais que j’aurais dû t’écrire plus tôt mais depuis ton départ pour ces vacances que tu as choisi de faire inopinément, bien des choses se sont passées. On m’a demandé plus d’une fois si tu avais mesuré les conséquences de ce voyage, nous laissant ici, dans la grisaille des derniers jours, désarmés, il faut bien le reconnaître, un peu en état de sidération comme on dit aujourd’hui. Je souris intérieurement car c’est mal te connaître de croire que tu n’as pas pris en compte l’ensemble des variables du problème. Ta formation d’ingénieur t’y pousse naturellement. Et ça me rappelle quand on s’est rencontrées. Tu te souviens ? Ce siècle avait un an comme aurait (presque) dit Hugo, on était envoyées par nos établissements respectifs dans ce projet balbutiant autour de la qualité à installer dans l’enseignement supérieur. On nous le présentait comme une « recherche action ». Je ne pouvais pas savoir alors que ces mots étaient ceux qui te caractériseraient le mieux, au fil de notre amitié. Recherche et action.
Toujours à l’affût d’expériences intellectuelles, et toujours prête à mettre ton énergie et tes connaissances dans des aventures. Parce que des aventures, on en a connues, non ? Des animations, des colloques, des rencontres, des livres, des voyages, on n’a pas arrêté pendant plus de vingt ans. Parce qu’on ne s’est pas limitées à la qualité, hein ! On a fait du polar ensemble, on est devenues les Dames du polar… Vraiment marrant ça, parce que, au départ ce n’était pas trop ton truc le polar, pas vrai ? Mais, au passage, je veux te remercier encore une fois pour ce magnifique livre que tu m’as offert et que sans toi je n’aurais jamais acheté, à cause de son titre plutôt tendance new romance, un polar splendide, La nymphe endormie de Ilaria Tuti, traduit de l’italien par Johan-Frédérik Hel Guedj. Oui, je te précise le nom du traducteur parce que, malgré ton manque d’intérêt pour les langues étrangères, je sais que, depuis ton arrivée dans une association de traducteurs littéraires, tu t’es sensibilisée à des questions du genre « le traducteur est-il un auteur » ! Hahaha.
Là évidemment, tu peux entendre mon éclat de rire, car je me rappelle ta tête quand je t’ai demandé de rejoindre l’aventure traduisante de l’asbl TraduQtiv ! Alors, encore merci aussi de m’avoir accordé ta confiance. Mais c’est ton côté fidélité en amitié qui a parlé ! Permets moi d’ajouter, au risque de te faire rougir – mais on attribuera ça au vent maritime -, toi la totalement modeste, qu’à recherche, action et fidélité, il faudrait aussi ajouter humilité et humanité. Combien de fois n’a-t-on pas reporté une réunion ou un conseil d’administration parce que les restau du cœurs, l’école du devoir ou une autre asbl où tu t’es engagée par solidarité, avaient besoin de toi? Et ne vois pas là un reproche, non, plutôt une admiration sans limite.
Je comprends bien que la côte d’Opale a plus de charme que toutes ces réunions et conseils d’administration ou les mornes jours de pluie. Mais quand même. Si j’osais, je te dirais que c’est un peu égoïste de nous lâcher comme ça d’un coup pour aller baguenauder dans les dunes. Et comme il n’y a pas de réseau là où tu es, pas même moyen de poursuivre nos conversations téléphoniques !
Comme convenu avant ton départ, on continue. On fait pour un mieux. On essaye du moins. Le monde, lui, a un peu dérapé ces derniers jours. C’est la guerre aux limites de l’Europe. Figure-toi ça, ma chère Françoise, la guerre. Et là, question humilité et humanité, on repassera. Donc, profite au maximum de tes dunes et de la mer. Etienne, Fred et Zouzou vont bien, autant qu’ils le peuvent. Mardi, on va manger le couscous ensemble. On parlera de toi, évidemment.
Si tu t’ennuies à force de promenades, reviens quand tu veux ! Evidemment, je te raconterai la suite. A plus !
Christine
PS : Au fait, si tu pouvais quand même m’envoyer un détail des comptes de l’asbl pour l’année 2021, ça m’arrangerait vraiment, parce que tu sais bien, les chiffres et moi…
A Françoise Vander Poorten, Trésorière de l’asbl TraduQtiv (7 juin 1957 – 9 février 2022)











magnifique témoignage d’amitié ….
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Merci Christine pour ce bel hommage poétique rendu à notre chère Françoise !
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