C’est la St Jérôme! Bonne fête!

Saint Jérôme, patron des traducteurs

Instituée en 1991 par la Fédération internationale des traducteurs (FIT), puis consacrée par l’ONU en 2017, la Journée mondiale de la traduction se fête chaque année le 30 septembre, jour de la Saint-Jérôme. Pour comprendre le choix de cette date, nous vous invitons à faire avec nous un petit voyage dans le temps…

Biographie express

Eusebius Sophronius Hyeronymus naît vers l’an 345 à Stridon, dans l’actuelle Croatie. Issu d’une famille chrétienne  aisée, il part étudier à Rome à l’âge de 12 ans : grammaire, littérature, rhétorique, philosophie et grec sont au programme. Une dizaine d’années plus tard, il s’installe à Trêves et étudie la théologie avant d’être ordonné prêtre. Attiré par la vie monastique, il fait l’expérience de la vie érémitique en Syrie pendant trois ans. Devenu secrétaire particulier du pape Damase Ier, il entame par la suite ce qui sera l’œuvre de sa vie : la traduction de la Bible en latin, connue sous le nom de Vulgate (texte commun), qui sera déclarée « authentique » au Concile de Trente et qui fera autorité jusqu’en 1979, année où elle est remplacée par la Néo-Vulgate[1].

Les traductions de l’Ancien et du Nouveau Testaments : une question d’Ecritures…

Jérôme s’installe à Bethléem en 389, y fonde un monastère et se consacre à la prière, à la lecture mais surtout à la traduction de la Bible.[2] A l’époque, il existe déjà une traduction grecque de la Torah, qu’on appelle la Septante[3], ainsi que des traductions latines des textes bibliques grecs, connus sous le nom générique de Vetus latina. Toute l’originalité de l’entreprise de Jérôme, latiniste et helléniste érudit, sera d’une part, de revenir au texte original en hébreu pour traduire l’Ancien Testament et, d’autre part, de réaliser une édition critique des traductions existantes du Nouveau Testament à l’aide de ses propres manuscrits grecs. Fin connaisseur des Ecritures, il complétera cette œuvre par de nombreux commentaires sur les livres bibliques.

Sourciste ou cibliste ?

Jérôme était-il plus attaché à la lettre ou à l’esprit ? Le qualifierait-on plutôt de « sourciste » ou de « cibliste » ? De l’avis des historiens, répondre avec certitude à cette question est sans nul doute chose ardue. Dans son Prologue au Livre de Job, Jérôme lui-même témoigne du caractère changeant de sa technique, de son incapacité à opter définitivement pour une des deux approches : « Néanmoins, cette traduction ne suit pas les anciennes versions ; elle partira des versions hébraïque et arabe, parfois même du syriaque, et transmettra tantôt les mots, tantôt le sens, tantôt les deux. » En perpétuelle quête d’un compromis entre respect du texte et du style originaux et souci de transmettre un message essentiel dans une langue accessible au plus grand nombre, Jérôme, en proie à de nombreux doutes, sera toujours conscient des imperfections subsistant dans le texte d’arrivée.

Jérôme et son lion

Du Pérugin à Van Eyck, de Caravage à Dürer, nombreux sont les artistes à avoir mis en couleur et sur papier le Père de l’Eglise, penché sur son ouvrage et souvent entouré des mêmes attributs (un livre, représentant la Bible, un crâne, allégorie du temps qui passe ou encore un chapeau de cardinal, en référence à ses années romaines). Parmi les dizaines d’œuvres consacrées au célèbre traducteur, certaines illustrent plus particulièrement la belle relation du saint avec un lion, relatée par Jacques de Voragine dans sa Légende dorée. On raconte qu’un jour, tandis que Jérôme enseignait la Bible à ses frères, un lion à la patte blessée s’approcha. Le traducteur retira l’épine qui le faisait souffrir, et l’homme et la bête se lièrent d’amitié. Il confia au lion la charge de veiller sur un âne qui servait à rapporter du bois de la forêt. Or, le lion s’endormit et l’âne fut volé par des marchands de passage. Accusé d’avoir mangé son pauvre compagnon, le félin partit à sa recherche, le retrouva et le ramena au monastère, épuisé par son périple mais heureux d’avoir pu réparer sa maladresse.

Honneur aux réviseuses

Sa vie durant, Jérôme fut entouré de nombreuses personnes désireuses de mieux connaître les Ecritures. Un petit groupe de patriciennes de haut rang, « Les dames de l’Aventin », s’était créé près de Rome alors que Jérôme y résidait encore ; Paula, Léa, Furia, Asella ou Fabiola, toutes souhaitaient lire les textes sacrés dans leur « pureté originelle », c’est-à-dire en grec, et si possible en hébreu. Elles trouvèrent en Jérôme, l’exégète, un guide de confiance.

Quelques années plus tard, certaines d’entre elles, dotées d’un solide bagage linguistique, le rejoignirent à Bethléem et lui prêtèrent main forte dans son nouveau projet. La traduction des évangiles réalisée par Jérôme avait, en effet, déjà été altérée par les copies successives. Une révision s’imposait, qui nécessitait un travail de comparaison et de collation bien trop lourd pour un seul homme. Installées dans un couvent voisin, les compagnes d’étude de Jérôme lui rendaient visite chaque jour pour discuter des points difficiles. Il leur tint d’ailleurs ces propos : « Vous si fortes dans la littérature des Hébreux, si habiles à juger le mérite d’une traduction, revoyez celle-ci mot à mot afin de reconnaître si je n’aurais rien ajouté, rien retranché à l’original ; ou si, au contraire, interprète exact et sincère, j’ai su faire passer en latin cette histoire hébraïque, telle que nous la lisons en hébreu. » Une véritable traduction collaborative avant l’heure…

Laetitia Cordonnier

[1] Modèle des traductions en langues vernaculaires utilisées dans la liturgie.

[2] Pour rappel, l’Ancien Testament et le Nouveau Testament ont pour langues originales respectives l’hébreu et le grec.

[3] La tradition rapporte que cette traduction grecque de la Torah aurait été réalisée par 72 savants qui, ayant chacun traduit le texte dans son intégralité, se seraient ensuite aperçus que leurs 72 versions étaient identiques.

 

Sources (articles extraits du site Persée.fr) :

Antin Paul. « Pour lire saint Jérôme ». In: Bulletin de l’Association Guillaume Budé : Lettres d’humanité, n°24, décembre 1965, pp. 516-527

Balliu Christian. « Saint Jérôme, ou quand la métaphore traduit le doute ». In: Equivalences, 24e année-n°2 ; 25e année-n°1-2, 1994, pp. 53-66

Turcan Marie. « Saint Jérôme et les femmes ». In: Bulletin de l’Association Guillaume Budé, n°2-3, Juin-octobre 1968, pp. 259-272

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