Gourmandise, chocolat et traduction…

L’asbl TraduQtiv vous invite à participer à l’atelier qu’elle organise le mardi 4 décembre sur l’espace Cucina de la librairie Cook and Book à Woluwe Saint Lambert, de 18 à 20h.
PAF 5 euros. Réservation souhaitée sur traduqtiv@gmail.com

Deux moments autour du thème Traduire la gourmandise

De 18 à 19h, Marianne Millon animera un atelier de traduction littéraire destiné à un large public gourmand, amateur tant de bonne littérature que de mets sucrés et salés à partir du roman Villa Diamante de Boris Izaguirre (Venezuela)* dont on trouvera un résumé au bas de cet article.
De 19 à 20h, Mélanie Saussez (Once in Brussel S.A) proposera une dégustation de chocolats au cours de laquelle chacun sera amené à définir les saveurs de la gourmandise.

PAF 5 euros à payer sur place. Réservation souhaitée par mail à traduqtiv@gmail.com   avec la mention « Atelier 4 décembre ».

Des mots gourmands

Toutes les dégustations liées aux produits de bouche nous imposent d’explorer le champ sémantique du goût. Un œnologue, un zythologue (le sommelier des bières !) ou un pâtissier ont un vocabulaire précis à travers lequel ils décrivent leur produit pour mieux éveiller nos papilles. Mais le commun des mortels se sent souvent dépourvu de mots pour définir la saveur d’un aliment ou d’une boisson. Mettre des mots sur les sensations gustatives est loin d’être aisé ! Imaginez alors la complexité de la traduction ! Lors de notre atelier Traduire la gourmandise nous nous frotterons à cet exercice en compagnie de Marianne Millon. Née en 1961 à Philippeville (Algérie), passionnée de littérature, elle a songé à devenir traductrice dès son adolescence. Armée de ses licences d’anglais et d’espagnol et du CAPES d’espagnol, elle a longtemps mené de front l’enseignement et la traduction avant de se consacrer entièrement à la traduction littéraire. Depuis 1991, elle ne cesse de nous faire découvrir la littérature espagnole, catalane et latino-américaine : José Luis Sampedro (Espagne), Fabio Morábito (Mexique), Albert Sánchez-Piñol (Espagne, catalan), Macedonio Fernández (Argentine), Wendy Guerra ( Cuba), William Navarrete (Cuba), José Carlos Somoza (Espagne) et bien d’autres. Voilà plusieurs années que Marianne Millon partage sa vie entre Paris et Arles où elle a notamment orchestré « les Croissants littéraires », lectures bilingues, lors des Assises de la Traduction littéraire en Arles.

Mélanie et la chocolaterie

Agent de voyages pendant de nombreuses années, Mélanie Saussez aime organiser. Des voyages, des soirées, des activités culturelles, c’est un jeu qui l’amuse beaucoup. En 2003, elle décide de préparer sa retraite en suivant une formation de guide touristique. L’Histoire est affaire de famille. Deux ans plus tard, son diplôme en poche, elle devient probablement la plus jeune agent de voyages retraitée de Bruxelles : guider est un virus, une passion qu’elle ne peut pas laisser de côté jusqu’à ses vieux jours ! En chemin, elle décide d’approfondir ses connaissances sur l’histoire du chocolat. De fil en aiguille, elle entreprend des études en chocolaterie et collabore avec un chocolatier de renom, soucieux de la qualité et du partage des saveurs. Aujourd’hui, loin d’être retraitée et devenue guide conférencière en français, anglais et espagnol, elle partage avec nous ses passions pour le 18ème siècle et le chocolat. Elle aussi, pour les besoins de ses visites guidées, a dû résoudre les embûches traduisantes au moment de parler du chocolat. Floral, fruité, fumé, acidulé ou encore épicé, le chocolat aromatique offre une vraie palette de goûts – et de mots – pour peu qu’on prenne le temps de s’y arrêter. Il faut toucher, humer, tendre l’oreille, et… fondre de plaisir avant d’exprimer, dit-elle. Elle soumettra à votre sagacité gustative des produits du chocolatier Frédéric Blondeel, récemment consacré « Chocolatier of the year » de Bruxelles, dans la troisième édition du Guide des Chocolatiers de Gault&Millau. Excusez du peu !

(Crédit photos Mélanie Saussez.)

Petite bibliographie à l’usage des gourmands, petits et grands…

Si vous souhaitez vous divertir en salivant avant l’atelier du 4 décembre voici quelques suggestions de romans gourmands … traduits, évidemment !

BLIXEN (K.). Le Festin de Babette, trad. du danois par A. Gnaedig, Folio
HARRIS (J.). Chocolat, trad. de l’anglais par A.Neuhoff, Folio
DAHL (R.). Charlie et la chocolaterie, trad.de l’anglais par E.Gaspar, Gallimard
CARMONA (J.C.). Pour l’amour du Chocolat, trad.de l’espagnol par F.Rosso, Grasset
MCCALL SMITH (A.). Amis, amants, chocolat, trad. de l’anglais par Martine Skopan – Ed. des 2 terres, 2006
ZEVIN (G). La mafia du chocolat, trad. de l’anglais par C. Chartres, A. Michel, 2012
SANTOS (C.). Désir de chocolat, trad. de l’espagnol par M. Vila Casas, Robert Laffont, 2015.

Et les bibliographies en ligne des romans de la gourmandise ne manquent pas… Citons en deux :
http://mediatheque.aubagne.fr/OpacWebAloes/File/Bibliographies/2011/gourmandises.pdf
http://www.mabiblio.be/wp-content/uploads/2011/09/Gourmandise_ad.pdf

Le numéro 231 | 2014 de la revue française de la traduction Traduire est consacré à ce thème. A consulter sur https://journals.openedition.org/traduire/650

Le livre
*Villa Diamante de Boris Izaguirre (Venezuela)
Le 17 novembre 1935, deux sœurs, Irene, 6 ans, et Ana Elisa, 5 ans, abordent fébrilement les fêtes de Noël. Mais soudain, la maison, située dans les beaux quartiers de Caracas, est envahie et dévastée par la foule qui fête la mort de Juan Vicente Gómez, dont leur père est partisan. Ce dernier ne se remettra jamais du saccage de la maison et de la perte de son statut social, il se laissera aller à la mélancolie et mourra écrasé sous un palmier du jardin par une nuit d’orage. La famille est « recueillie » par les Uzcátegui, leurs puissants voisins qui, après avoir envoyé la mère dans un asile d’aliénés où des électrochocs mal dosés la tueront un jour sous les yeux d’Ana Elisa. Enfermée là, elle aussi, à la suite du viol perpétré par le père, Guztavo Uzcátegui, qu’Ana Elisa a tué en état de légitime défense. Les Uzcátegui revendent le mobilier de la maison voisine qu’ils finissent par raser afin d’agrandir la leur. Ana Elisa, d’une intelligence exceptionnelle mais moins jolie que sa sœur, est cantonnée, en dehors de l’école, au brossage des cheveux et à la manucure de Graciela Uzcátegui ou à l’office, où elle se réfugie auprès de Soraya, la jeune bonne originaire de Trinidad avec qui elle communique essentiellement en anglais, lui apprenant peu à peu l’espagnol. Elle apprend de son côté à bien choisir les ingrédients, les épices, à faire les sauces, découvre la pâtisserie et tout un monde de saveurs et de parfums qu’elle décrit très soigneusement dans son cahier d’école. Bientôt, Graciela la consulte pour établir les menus lors des soirées mondaines qu’elle organise.

Les 500 pages de ce roman foisonnant défilent sans jamais lasser le lecteur, et, avec elles, un demi-siècle de l’histoire tourmentée du Vénézuéla à travers celle des deux sœurs. Tous les personnages ont une existence propre, qu’ils soient odieux comme Gustavo, qui profite de la deuxième guerre mondiale pour vendre aux deux parties en guerre du pétrole à prix d’or, ou touchants comme Joan, l’ami travesti dont la vie est une lutte perpétuelle pour affirmer sa différence. Graciela Uzcátegui, sorte de déesse païenne vivante, métisse qui cache soigneusement ses origines dans cette société de classes, cruelle et avide de pouvoir et de reconnaissance sociale, est particulièrement réussi. Ana Elisa, quant à elle, passe de la lutte pour la survie mentale à l’acquisition de la liberté après avoir surmonté toutes les épreuves par la seule force de sa volonté et de ses qualités humaines. Elle pourrait être une allégorie du peuple vénézuélien , débarrassé des dictatures successives qui ont troublé son histoire. L’écriture élégante, soignée et très prenante de Boris Izaguirre suit une trame ambitieuse qui tient toutes ses promesses. Ses grandes qualités littéraires mêlent habilement le récit aux passages épistolaires, l’espagnol à l’anglais et proposent une grande saga qui se lit avec émotion.

Anne Casterman

Il faut dire avant tout que la morale n’est pas une valeur absolue mais relative, et, par-là immorale également. Chacune de ces recettes est un pari pour une autre morale possible, pour une morale hédoniste à la portée des partisans du bonheur immédiat, consistant à user et même à abuser de connaissances innocentes : savoir cuisiner, savoir manger, essayer d’apprendre à aimer.
Manuel Vazquez Montalban in Recettes immorales, Editions de l’Epure, 2004

PAF : 5 euros Réservation souhaitée: traduqtiv@gmail.com