A Gif-sur-Yvette, les traducteurs ont la parole!

Du 29 septembre au 1er octobre se déroulera la 5ème édition de Vo-Vf, le monde en livres à Gif-sur-Yvette en région parisienne. Festival grand public entièrement dédié à la traduction littéraire, la manifestation rassemble une centaine d’invités, auteurs et traducteurs, pour parler des langues et des littératures étrangères et aller à la rencontre des lecteurs.

« Qu’on se le dise : les traducteurs ont enfin leur festival, et c’est un festival de livres et de lecteurs, où l’on a pu constater que le public voulait entendre parler de style, d’écriture, de problèmes de traduction, de rapport auteur/traducteur, etc. », s’exclamait déjà Claro à l’issue de la première édition de Vo-Vf, le monde en livres en 2013. Cinq ans plus tard, le « petit festival de Gif » est devenu un rendez-vous incontournable pour tous les amateurs de littératures étrangères, curieux des langues et des cultures, qui saisissent avec plaisir cette occasion exceptionnelle d’entrer dans « l’atelier » des traducteurs.

Gif-sur Yvette, capitale babélienne de la traduction pour trois jours

Hélène Pourquié et Pierre Morize, librairie Liragif

Fondée par les deux libraires de LiraGif, Hélène Pourquié et Pierre Morize, cette manifestation littéraire unique en son genre, dont le principe est de donner la parole aux traducteurs,  a accueilli l’an passé plus de 3 000 visiteurs. Le programme comprend une quarantaine de tables rondes, conférences, rencontres avec des traducteurs littéraires, mais aussi des ateliers de découverte des langues, une joute de traduction, des lectures et des spectacles (notamment une pièce de théâtre en Langue des signes française), des concerts et autres festivités dont le dénominateur commun est de fêter la littérature sous toutes les latitudes et le monde dans sa diversité. Cette petite Babel littéraire s’installe de nouveau pour trois jours, du 29 septembre au 1er octobre à Gif-sur-Yvette, à 45 mn du centre de Paris en RER, dans le cadre verdoyant de la Vallée de Chevreuse.

Alain Mabanckou, parrain du festival

Cette 5ème édition est placée sous le parrainage de Alain Mabanckou, écrivain polyglotte et nomade, dont les livres sont traduits dans une quinzaine de langues. Il inaugurera le festival vendredi 29 septembre avec son traducteur américain et collègue à l’Université de Los Angeles, Dominic Thomas, chef du département de littérature française et des études francophones. Il sera rejoint le lendemain par Wangui Wa Goro, grande dame des lettres africaines, traductrice du kikuyu en anglais de l’auteur kényan Ngugi wa Thiong’o (Décoloniser les esprits, traduit en français par Sylvain Prudhomme), pour discuter de la circulation des littératures et des langues en Afrique, en partenariat avec l’Inalco (Institut National des Langues et Civilisations Orientales).

Cette même journée accueillera Daniel Pennac en compagnie du traducteur du grec contemporain et éditeur Michel Volkovitch, tous deux partent à la recherche des « Mots manquants », ceux qui existent dans une langue et font défaut dans une autre. Tous les traducteurs invités à cette 5ème édition ont ainsi été conviés en amont de la rencontre à donner leur « mot manquant », dans la langue source ou cible, afin d’alimenter la réflexion. Les élèves de l’Ecole de traduction littéraire du CNL-Asfored viendront eux jouer avec la traduction des titres, parfois fort éloignée de leur version originale.

L’Italie et les littératures germanophones à l’honneur

Pour répondre à l’invitation faite à la France à Francfort cet automne, le festival met en lumière la littérature germanophone d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse. La  langue italienne résonnera aussi tout le week-end avec la traductrice à l’honneur, Françoise Brun, la rencontre autour de Pellegrino Artusi, père de la cuisine italienne, dont La Science en cuisine et l’art de bien manger vient enfin d’être traduit en français ou encore la rencontre avec René de Ceccatty pour sa nouvelle traduction de La Divine Comédie.

Notons aussi les deux tables rondes consacrées à la littérature d’Amérique du Sud, celle dédiée au reportage littéraire polonais, la découverte de la littérature tamoule orchestrée par la Bulac, fidèle partenaire du festival ou  encore la conférence musicale sur les traductions des chansons de Leonard Cohen avec leur interprétation à la guitare par Christophe Allwright, sans oublier les nombreuses lectures, notamment celle donnée par la comédienne Micaëla Etcheverry de plusieurs voix de la Turquie.

Langues imaginaires et philosophie foraine

Des langues imaginaires aux langues cryptées, le festival fait la part belle à toutes les écritures qui donnent du fil à retordre aux traducteurs, mais leur réservent aussi le plaisir de la trouvaille et du jeu traductif  (table ronde sur « traduire les langues imaginaires » et réflexion du philosophe forain Alain Guyard sur « l’écriture de contrebande »), enfin il sera aussi beaucoup question d’identité(s) et de leur construction grâce et à travers les langues, avec les auteurs venus d’ailleurs, ayant choisi le français comme langue d’écriture. Sont attendus Silvia Baron Supervielle, Shumona Sinha et Maryam Madjidi

Tout le programme est en ligne et l’équipe, épaulée par une cinquantaine de bénévoles, espère que cette 5ème édition sera de nouveau la preuve que le traducteur est le meilleur passeur des livres qu’il a traduits et la traduction un formidable outil de lecture et de partage.

Une campagne de financement participatif est ouverte pour permettre au festival de rémunérer tous ses intervenants, tout en restant entièrement libre d’accès et gratuit.

Claire Darfeuille