Avec l’arrivée de la fin de l’année, les bilans se succèdent! Voilà un an que l’asbl TraduQtiv a créé une page Instagram destinée, entre autres choses, à partager les bonnes pratiques des traductrices et des traducteurs. Pour le cas (improbable) où vous n’auriez pas suivi notre page insta ou, plus incroyable encore, pour le cas où vous auriez laissé passer l’un ou l’autre posts… Chaque mardi matin, jusqu’à la fin de l’année, nous vous rappellerons toute une série de choses qui ont enrichi notre page Insta! Et d’abord, les 12 conseils essentiels destinés à améliorer vos traductions,
Comptez vos signes !
Passer d’une langue à l’autre implique – c’est bien connu – une modification du nombre de signes. Pour ce qui est de la traduction vers le français, on parle de « prolifération » tant l’accroissement est important. La traduction doit donc tendre à respecter la norme d’une augmentation de 10 à 15%. Mais au début, cette expansion est particulièrement difficile à maîtriser. Alors, pensez toujours au conseil de l’immense traducteur qu’est Albert Bensoussan et que je reprends ici à mon compte: comptez les signes de votre traduction! Et j’ajouterai que, compter ses signes pour les comparer à l’original et les maintenir à une expansion limitée, c’est une étonnante école intellectuelle, stylistique et mentale.
Ce simple calcul implique d’amener la phrase que l’on vient de traduire vers l’ascèse et l’essentiel. Si vous voulez en savoir plus, lisez les indispensables Confessions d’un traître d’Albert Benssoussan (Presses universitaires de Rennes) ! Un must à parcourir avant de se lancer dans une traduction, pour se rappeler l’humilité et la nécessité de gestes aussi simples que celui de … compter les signes ! (Christine Defoin)
Lisez votre contrat !
On a généralement peu envie de parcourir son premier contrat de traduction littéraire, ce texte rébarbatif qui doit, en principe, régler la question des droits d’auteurs pour déterminer quels usages l’éditeur ou le commanditaire peut faire de l’œuvre traduite. Il faut être attentif à l’étendue de la cession des droits d’auteur et au montant de ces droits que vous allez percevoir. Quant à l’étendue de la cession, il faut être attentif au tirage, aux rééditions (en ce compris dans d’autres formats, en poche p. ex.), aux retraductions, aux usages dérivés qui pourront être faits de votre traduction (lecture, adaptation théâtrale ou radiophonique, diffusion sous quelque forme que ce soit, photocopies, etc.). Il faut de plus être attentif à la durée et au territoire de la cession (vos droits sont-ils cédés à l’éditeur pour un ou plusieurs territoire(s) bien déterminé(s) ou pour le monde entier ?).

Au niveau de la rémunération, assurez-vous que vous touchez bien des droits d’auteur (et pas seulement une rémunération pour votre prestation de traduction) et vérifiez la forme de celle-ci en droits d’auteur (est-ce un fixe ? des pourcentages ? sur quelle(s) assiette(s) s’appliquent ces pourcentages ? la rémunération tient-elle assez compte de l’étendue géographique de la cession ?). N’oubliez pas non plus les royalties sur les usages dérivés ! Vous devez donc lire attentivement (et bien comprendre !) ce contrat afin de préserver au mieux le travail créatif que vous allez fournir à l’éditeur. Même si cela ne semble pas toujours facile, vous avez le droit de lui demander des explications et des éclaircissements (tant sur les droits d’auteur, objet du présent conseil, que sur d’autres aspects). Et même le droit de négocier. N’hésitez pas à anticiper un éventuel succès planétaire de l’ouvrage dont on vous demande la traduction ! 😊
Pourvu que J-Fr. Ménard ait étudié son contrat quand il a accepté de traduire le premier volume de Harry Potter il y a plus de 20 ans ! ( Frédéric Lejeune, Avocat en droit d’auteur et propriété intellectuelle, fredericlejeune.be – frederic@lejeune.legal)
Utilisez les raccourcis claviers !
Si vous recourez fréquemment aux raccourcis clavier « Ctrl + C » et « Ctrl + V » pour effectuer des copier-coller, peut-être ignorez-vous qu’il existe bien d’autres combinaisons possibles… En voici une petite sélection, qui vous fera gagner un temps précieux 😀
Voici comment procéder pour…
Mettre du texte en gras -> Ctrl + G
Mettre en italique -> Ctrl + I
Imprimer un document -> Ctrl + P
Transformer les majuscules en minuscules et vice-versa -> Maj + F3
Supprimer la mise en forme d’un paragraphe -> Ctrl + Q
Appliquer un interligne de 1,5 au paragraphe -> Ctrl + 5
Afficher tous les caractères non imprimables -> Ctrl + Maj + 8
Insérer un commentaire -> Ctrl + Alt + M
Insérer une note de bas de page -> Ctrl + Alt + F
Atteindre une page spécifique -> taper le numéro de page et appuyer sur Entrée
Effectuer une vérification orthographique et grammaticale -> Alt+F7
Ouvrir le dictionnaire des synonymes -> Maj+F7
➡ Vous travaillez sur un Mac ? Certains raccourcis sont identiques, il vous suffit de remplacer « Ctrl » par « Cmd » ! (Laetitia Cordonnier , traductrice littéraire)
Chronométrez votre travail !
Quand on traduit, on a l’habitude de travailler sans compter, surtout quand on a la chance d’exercer dans le secteur littéraire. Après tout, dans notre métier, le temps n’est pas toujours de l’argent…
Pourtant, le temps peut nous guider dans le choix et la planification de nos missions de traduction.
Si je sais à quelle vitesse en moyenne je traduis 1 000 mots dans une combinaison linguistique et un domaine spécifiques, je peux facilement calculer le délai nécessaire pour livrer confortablement un texte de ce type en intégrant les différentes phases de traduction (lecture, recherches documentaires, relecture, révision, retouches…), c’est-à-dire toutes les étapes nécessaires à la production d’une traduction de qualité dans le respect des échéances et avec une petite marge de confort.
Dès que je travaille sur un projet, je mesure donc les heures que j’y passe de A à Z. En bout de course, je comprends ainsi mieux à quelles parties du processus (facturables ou non) je consacre le plus de temps d’énergie. Je peux ainsi évaluer ma rentabilité et ma productivité, sélectionner les projets qui me passionnent et qui en valent la peine, organiser mon travail (seule ou avec des collègues) et surtout produire un résultat de qualité avec l’esprit tranquille. (Anne Sophie De Clercq , traductrice littéraire)
Laissez reposer votre texte !
Vous le faites sans doute déjà pour vos relectures. Rien de tel en effet que de laisser reposer sa traduction le plus longtemps possible – tout dépend de sa deadline, bien sûr – avant de s’y replonger en quête d’éventuelles erreurs et maladresses. On redécouvre ainsi son texte presque comme s’il avait été écrit par quelqu’un d’autre, pour le corriger avec un œil neuf, plus objectif.
Cela dit, y pensez-vous quand vous buttez sur un mot, une phrase, une formulation? Dans ce cas-ci aussi, je vous conseille de laisser votre traduction de côté quelques heures, voire quelques jours. L’inspiration viendra peut-être au moment où vous vous y attendrez le moins, sous la douche, pendant que vous cuisinez, « Eurêka » comme disait l’autre, vous pourrez alors sauter dans votre peignoir ou lâcher votre casserole (éteignez d’abord le feu) pour vous jeter sur votre ordinateur, le sourire aux lèvres et les doigts survolant votre clavier avec enthousiasme.
En fin de compte, le résultat sera bien plus naturel que si vous étiez resté bloqué devant votre écran des heures durant, en quête de THE solution. » 😎 (Marjorie Gouzée , traductrice)
Ne restez pas dans votre coin !
« Le traducteur a souvent la réputation de vivre reclus derrière son PC. Même si certains sont de nature plus introvertie que d’autres, nous n’en restons pas moins des êtres humains et donc des êtres sociaux.
Saisissez donc chaque occasion qui vous est donnée pour échanger avec vos pairs. Cela passe par des associations professionnelles (comme la Chambre belge des traducteurs et interprètes, etc.) qui ont en plus le mérite de défendre les intérêts du métier, des groupes de traducteurs sur Facebook (Translators in Belgium, etc.) ou encore d’autres réseaux sociaux (LinkedIn, Instagram, etc.).
Vous en tirerez un double bénéfice : non seulement, vous rencontrerez des collègues avec lesquels vous pourrez discuter, échanger, et à qui vous pourrez demander leur avis en cas de doute sur une traduction, mais vous pourrez également faire de chouettes rencontres, qui pourront peut-être déboucher sur de futures collaborations.
Nous vivons à une ère où les réseaux sociaux sont incontournables. Quoi qu’on en pense, ils restent des outils formidables pour vous aider à rencontrer des gens par-delà les frontières. Profitez-en pour étendre votre réseau et intégrer différents groupes. On sous-estime trop souvent le pouvoir du groupe mais c’est un fait : « seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ».
Ne restez donc pas seul(e) dans votre coin et cherchez le contact avec vos pairs : vous n’en tirerez que des avantages. (Jenny Van Maldeghem , traductrice, correctrice)
Utilisez les réseaux !
« Depuis quelques années, les réseaux sociaux sont dans nos vies, parfois envahissants, souvent chronophages. Comment concilier alors vie privée et vie professionnelle, comment choisir, parmi tous les réseaux, ceux qui pourront apporter de nouvelles expériences, de nouveaux défis ? Dans le cadre de mon activité de correctrice, je me suis souvent questionnée sur l’utilité d’être présente sur les réseaux. Un choix a été posé. J’utilise LinkedIn comme réseau professionnel, ce qu’il est à l’origine. Mais bien avant cela, j’ai compris la nécessité du réseautage au Québec, pendant cette année extraordinaire que j’ai passée là-bas. Depuis, je développe ce réseau, en ligne, mais aussi avec de vraies personnes… qui ont créé des fils, tissés sur la Toile comme un prolongement de ces rencontres. Quand on est indépendante, exerçant un métier de l’ombre, seule face à son ordinateur, les moments de doute et d’interrogation ne manquent pas. Il est donc précieux de pouvoir s’adresser à des pairs pour un conseil ou un soutien. J’ai pris cette habitude de réseauter, dans la vraie vie, comme sur LinkedIn (et me voilà sur Instagram sans réellement l’être !) pour profiter de cette liberté de rencontrer et d’échanger avec des personnes de tous les horizons. Même sur les tarifs appliqués, sujet encore tabou ! » (Isabelle Istasse, correctrice)
Choisissez votre niche !
« La traduction littéraire est un choix où l’on doit trouver sa place et la garder. Une profession linguistique où, souvent, la connaissance de la culture de l’autre est plus importante que celle de sa langue. Où la musique du texte doit parfois l’emporter sur la fidélité absolue. Quoi qu’il en soit, si vous choisissez cette voie, j’ai deux conseils pour vous : choisissez votre niche et sachez vous entourer.
Choisir sa niche parce qu’on ne traduit pas du polar comme on traduit de la poésie, parce que chaque genre a ses exigences et qu’il peut être épuisant de jongler avec plusieurs casquettes. Que traduire de la science-fiction ou de la fantasy comme je le fais demande de connaître des codes, des références, des mèmes – éléments culturels reconnaissables – qui ne sont pas à la portée de tout le monde.
Ainsi, lors d’un festival, j’ai eu affaire à un jeune interprète bénévole qui, malgré toute sa bonne volonté, en est arrivé à traduire le contraire de ce que disait l’auteur invité.
Savoir s’entourer est tout aussi important. Les traducteurs de SF comme ceux de Jeux de rôle se réunissent par exemple sur FB ou par listes de discussion pour s’entraider, fournir un lexique, la référence d’une citation, l’aide nécessaire à traduire l’intraduisible ou le néologisme. Si traduire est un métier solitaire, il est fondamental de pouvoir discuter, vérifier. Je connais des traducteurs spécialisés dans les jeux de mots voire les chansons grivoises, comme les astrophysiciens ou les généticiens, ils sont d’une aide précieuse dans de nombreuses situations. Entourez-vous.
Ah, j’oubliais, quoi qu’on vous dise et surtout quand vous débutez, lisez le texte avant de le traduire, il peut vous réserver de très mauvaises surprises. Ceux qui ont vu la série Game of Thrones peuvent imaginer le désarroi du traducteur quand arrive l’explication du nom de Hodor, après plus de douze volumes. » (Sara Doke , Traductrice littéraire et autrice)
Identifiez votre public cible
L’objectif du traducteur est de transmettre un message identique à celui de l’auteur du texte source, tout en gardant le public cible à l’esprit. De ce fait, il doit tenir compte de différents facteurs, tant culturels que linguistiques.
Au niveau linguistique, une même langue peut comporter de nombreuses subtilités. Ainsi, le français présente moult particularités, telles que dîner et souper pour ne citer que deux exemples. En français de Belgique, le « dîner » fait référence au repas de midi, alors qu’en France on utilisera le terme « déjeuner ». Quant au repas du soir, les Belges utiliseront le mot « souper » alors que les Français opteront pour « dîner ». Bien connaître son public cible et trouver le terme le plus approprié est donc indispensable pour être bien compris.
Pour ce qui est de la culture, il est également primordial d’adapter certains textes à son public. Un ouvrage sur la Seconde Guerre mondiale qui relate la vie d’Anne Frank sera perçu différemment d’un public néerlandais que d’un public asiatique. En effet, les Néerlandais auront une idée claire de cette personnalité alors que les Asiatiques auront probablement besoin d’un contexte plus précis. Au traducteur de fournir éventuellement les explications nécessaires pour que les lecteurs sachent qui est cette adolescente juive.
Toutes ces particularités ont bien entendu un impact sur la qualité de la traduction effectuée ; plus le traducteur connaîtra son public cible, meilleur sera son travail. (Laurence Verbist, traductrice, rédactrice)
Pratiquez le lâcher-prise !
La phase de l’éponge.

Précisons : généralement, les textes non littéraires visent à être compris par leur lectorat sans trop d’effort; or, comme les personnes qui les ont rédigés ne sont pas nécessairement douées dans le maniement de la langue, vous devrez souvent, dans une première étape, vous livrer à un débroussaillage, une traduction intra-linguale, histoire de permettre une restitution claire dans la langue cible, et là il vous faudra mobiliser d’emblée toute votre acuité analytique.
En revanche devant un texte littéraire de bonne tenue, peut-être un de ceux dont il est dit qu’ils sont intraduisibles, rappelez-vous ce conseil de Douglas Robinson (Becoming a Translator: An Introduction to the Theory and Practice of Translation) : rendez votre esprit disponible, accueillant, et écoutez ce que chante le texte. Laissez les mots, les sons, les couleurs des sons, jouer librement ; observez ce qu’ils accrochent et entraînent comme sons, comme mots dans la langue cible. Notez au vol, sans trop chercher à comprendre.
Absorbez, comme l’éponge ; laissez la langue cible se gorger des harmoniques du texte source. Quelque chose émerge alors, parfois de l’ordre de l’improbable.
Il vous faudra évidemment retravailler avec un œil critique, en interrogeant l’adéquation du premier jet avec ce que dit le texte source. En chamboulant telle phrase, n’avez-vous pas introduit une confusion mal venue ? Ce mot que vous avez escamoté parce que la phrase ou le vers était trop long, n’est-il pas porteur de sens ? Si c’est le cas, comment rejouer le passage pour qu’il s’y intègre ? (Christine Pagnoulle, traductrice littéraire)
Spécialisez-vous !
S’il est tentant d’accepter n’importe quel projet que l’on vous propose au début, mieux vaut vous limiter à quelques domaines bien précis.

Pensez aux sujets qui vous passionnent : le yoga, l’équitation, la chimie, les jeux de société… Il y a de fortes chances que vous en connaissiez un rayon en la matière ! Votre intérêt pour ce domaine vous démarquera d’emblée des autres traducteurs plus généralistes.
Mais la passion ne suffit pas ! S’il y a bien une chose à ne pas perdre de vue, c’est la rentabilité de vos services (car non, les traducteurs ne vivent pas d’amour et d’eau fraîche !). Certains secteurs sont plus demandeurs que d’autres. Il vous sera bien difficile de vivre uniquement de traductions de patrons de tricot ou de couture par exemple.
En conclusion : trouvez un domaine de spécialisation à la fois porteur et intéressant ! (Emeline Jamoul, gérante d’une agence de traduction)
Soyez curieux
Ayez l’attitude du traducteur moderne ! Lisez ! Lisez ! Soyez curieux, ne vous arrêtez jamais d’apprendre…et adaptez-vous aux nouveaux métiers de la traduction et de l’interprétation.
Il est définitivement révolu le temps où traducteur était enfermé dans son bureau avec, pour seules ressources, ses dictionnaires, il s’agit d’ailleurs peut-être d’une image qui n’a jamais vraiment correspondu à la réalité.
La connaissance des langues sans un solide bagage de culture générale et de techniques modernes ne mène pas très loin. Tous les traducteurs et tous les interprètes vous le diront : si, quand vous lisez un texte ou quand vous entendez un discours, vous retrouvez des informations que vous connaissez déjà par votre culture générale, la compréhension s’en trouve facilitée et la traduction se fait d’une manière fluide et naturelle. Ce n’est pas pour rien que les bonnes écoles qui enseignent ces spécialités accordent beaucoup d’importance à l’apprentissage de la culture générale et des connaissances particulières (sciences, techniques, droit, …). Cela permet non seulement de saisir, de la manière la plus complète, le sens du texte, mais aussi de le traduire avec les mots et expressions utilisés habituellement dans le domaine traité dans la langue cible. En allant plus loin, certains pensent qu’il est temps de revoir l’identité même du traducteur : de spécialiste de la langue qui traduit, par exemple, des textes qui ont trait aux sciences, le traducteur pourrait désormais avoir le profil d’un scientifique qui a appris une autre langue ainsi que les techniques de traductions. Un métier – en pleine mutation – qui serait donc exercé par des professionnels polyvalents aux combinaisons de compétences beaucoup plus diverses qu’avant. Ce nouveau métier devra aussi intégrer tous les outils d’intelligence artificielle mis à la disposition des acteurs. Un beau défi pour une activité sans laquelle les progrès de l’humanité ne peuvent avoir lieu car le partage à l’échelle mondiale ne peut se faire que par la traduction. (Stéphane Plamont , traducteur- interprète ULB)
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