Sur le dépôt légal des traductions

TraduQtiv souhaite sensibiliser les traducteurs belges au dépôt légal.
Pour ce faire, nous avons sollicité Michel Fincoeur (KBR)
qui proposera ici une série d’articles,
de l’introduction générale (en juin) aux nouvelles modalités de dépôt légal en ligne
en passant par la nouvelle loi sur le dépôt légal numérique (à la rentrée).

 

Depuis le 1er janvier 1966, la législation belge sur le dépôt légal oblige les éditeurs belges et les auteurs belges domiciliés en Belgique et publiés à l’étranger à déposer leurs œuvres à la Bibliothèque royale de Belgique.

Immédiatement vient à l’esprit la question de savoir qui est concerné par les termes « auteurs belges ». Chacun convient qu’il s’agit de l’auteur d’un texte original, oubliant bien souvent que les illustrateurs sont également des auteurs… Les préfaciers ne se sentent pas concernés outre mesure et pourtant… Et que dire des traducteurs !

Au prétexte qu’en catalographie le traducteur fait partie de la catégorie des « auteurs secondaires » ou qu’en littérature on ne lui accorde pas toujours la même importance qu’à l’auteur original, beaucoup de traducteurs ne se considèrent pas comme des auteurs à part entière et pensent donc, de bonne foi, être exemptés de l’obligation du dépôt légal.

Pourtant, il ne fait aucun doute que le traducteur est bien un auteur puisqu’il crée lui-même une œuvre originale par ses choix de vocabulaire, d’expression, de grammaire, de rythme, par ses interprétations afin de se rapprocher tantôt de l’esprit, tantôt de la lettre du texte originel. Le traducteur peut d’ailleurs revendiquer la protection de la législation relative au droit d’auteur, même s’il s’agit d’une œuvre « dérivée » d’une autre.

Le traducteur belge domicilié en Belgique est donc bien concerné par le dépôt légal belge pour ses œuvres publiées à l’étranger au même titre que n’importe quel autre auteur belge publié hors de nos frontières. Et si le traducteur belge s’autoédite, il est également soumis à l’obligation de déposer comme n’importe quel autre éditeur belge.

Mais que doit déposer le traducteur belge ? La traduction d’une posologie pour l’industrie pharmaceutique doit-elle être envoyée à la Bibliothèque royale ? Et qu’en est-il de la traduction du manuel d’utilisation d’un aspirateur ? La législation précise ce qui doit être déposé d’office et ce qui doit l’être sur requête expresse de la Bibliothèque royale (voir l’article 2 de l’arrêté royal du 31 décembre 1965).

En ce qui concerne les livres et les brochures, les traductions littéraires doivent être déposées d’office – qu’il s’agisse de romans, de guides touristiques, de littératures d’enfance et de jeunesse, de livres d’histoire, de bandes dessinées, de recueils de poésie, de catalogues d’exposition ou encore d’actes de colloque. Sont en principe exclus du dépôt légal « les publications entièrement ou principalement publicitaires ou d’intérêt éphémère, telles que catalogue et prospectus commerciaux, annuaires téléphoniques, horaires, tarifs, calendriers et agendas ». Toutefois, la Bibliothèque royale peut prescrire le dépôt de ces dernières publications. Donc, par exemple, les posologies et les manuels électroménagers ne doivent pas être déposés d’office mais peuvent être l’objet d’une prescription de la part de la Bibliothèque royale. Nous invitons les déposants à consulter le mémento du dépôt légal et les textes légaux sur notre site.

« Combien d’exemplaires dois-je déposer ? » est une question fréquente. Le législateur a prévu le dépôt de deux exemplaires de chaque publication. C’est une obligation fort lourde pour les auteurs alors qu’ils ne reçoivent que peu, trop peu d’exemplaires d’auteur. La Bibliothèque royale de Belgique, consciente du problème, travaille avec les sociétés de gestion des droits d’auteur, afin de faire inclure dans les contrats-types un article prévoyant deux exemplaires pour le dépôt légal belge.

Mais par-delà la question légale, il est un enjeu d’une autre dimension qui nous touche tous : celui du patrimoine et de sa conservation, celui de la pérennisation de la production intellectuelle belge. La Bibliothèque royale de Belgique est le conservatoire de votre mémoire individuelle, de notre mémoire collective. La Bibliographie de Belgique publie chaque mois les métadonnées des publications déposées afin d’assurer un maximum de publicité aux champs éditorial et auctorial belges.

Si les éditeurs belges déposent régulièrement leurs publications, il n’en est pas de même des auteurs belges publiés à l’étranger. Même s’il revient à l’auteur de connaître le dépôt légal selon l’adage « Nul n’est censé ignorer la loi », la réalité est toute autre : le dépôt légal est ignoré de la majorité de nos concitoyens. Aussi, la Bibliothèque royale développe-t-elle des campagnes ciblées pour sensibiliser les déposants.

« Si je ne dépose pas, que va-t-il m’arriver ? » est une autre question récurrente. Il faut savoir que le législateur a prévu des amendes et leur mode de recouvrement est actuellement entre les mains du SPF Finances. Mais il faut savoir que la Bibliothèque royale privilégiera toujours le dépôt, même tardif, à la sanction. Le but final du dépôt légal est bien de couvrir tout le champ de notre patrimoine éditorial et auctorial.

La Bibliothèque royale de Belgique est au service des citoyens et les personnels qui s’occupent du dépôt légal sont prêts à répondre à vos questions concernant vos traductions.

 

Dr Michel Fincœur

 

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